Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/225

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et se reposait quelques minutes. La faim jetait une détresse dans son âme confuse et lourde. Il n’avait qu’une idée : « manger », mais il ne savait par quel moyen.

Pendant trois heures, il peina sur le long chemin ; puis, quand il aperçut les arbres du village, il hâta ses mouvements.

Le premier paysan qu’il rencontra, et auquel il demanda l’aumône, lui répondit :

— Te r’voilà encore, vieille pratique ! Je s’rons donc jamais débarrassés de té ?

Et Cloche s’éloigna. De porte en porte on le rudoya, on le renvoya sans lui rien donner. Il continuait cependant sa tournée, patient et obstiné. Il ne recueillit pas un sou.

Alors il visita les fermes, déambulant à travers les terres molles de pluie, tellement exténué qu’il ne pouvait plus lever ses bâtons. On le chassa de partout. C’était un de ces jours froids et tristes où les cœurs se serrent, où les esprits s’irritent, où l’âme est sombre, où la main ne s’ouvre ni pour donner ni pour secourir.