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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/104

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fort comme la mort

Et il passa dans le cabinet de toilette pour se déshabiller.

Depuis longtemps, il ne s’était senti aussi agile et vigoureux, et, devinant qu’il allait faire un excellent assaut, il se hâtait avec une impatience d’écolier qui va jouer. Dès qu’il eut devant lui son adversaire, il l’attaqua avec une ardeur extrême, et, en dix minutes, l’ayant touché onze fois, le fatigua si bien que le baron demanda grâce. Puis il tira avec Punisimont et avec son confrère Amaury Maldant.

La douche froide, ensuite, glaçant sa chair haletante, lui rappela les bains de la vingtième année, quand il piquait des têtes dans la Seine du haut des ponts de la banlieue, en plein automne, pour épater les bourgeois.

— Tu dînes ici, lui demandait Maldant.

— Oui.

— Nous avons une table avec Liverdy, Rocdiane et Landa : dépêche-toi, il est sept heures un quart.

La salle à manger, pleine d’hommes, bourdonnait.

Il y avait là tous les vagabonds nocturnes de Paris, des désœuvrés et des occupés, tous ceux qui, à partir de sept heures du soir, ne savent plus que faire et dînent au Cercle pour s’accrocher, grâce au hasard d’une rencontre, à quelque chose ou à quelqu’un.

Quand les cinq amis se furent assis, le banquier Liverdy, un homme de quarante ans, vigoureux et trapu, dit à Bertin :

— Vous étiez enragé, ce soir.

Le peintre répondit :

— Oui, aujourd’hui, je ferais des choses surprenantes.

Les autres sourirent, et le paysagiste Amaury Maldant