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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/167

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II

La comtesse et sa fille, vêtues de crêpe noir, venaient de s’asseoir face à face, pour déjeuner, dans la vaste salle de Roncières. Les portraits d’aïeux naïvement peints, l’un en cuirasse, un autre en justaucorps, celui-ci poudré en officier des gardes françaises, celui-là en colonel de la Restauration, alignaient sur les murs la collection des Guilleroy passés, en des cadres vieux dont la dorure tombait. Deux domestiques, aux pas sourds, commençaient à servir les deux femmes, silencieuses ; et les mouches faisaient autour du lustre en cristal, suspendu au milieu de la table, un petit nuage de points noirs tourbillonnant et bourdonnant.

— Ouvrez les fenêtres, dit la comtesse, il fait un peu frais ici.

Les trois hautes fenêtres, allant du parquet au plafond, et larges comme des baies, furent ouvertes à deux battants. Un souffle d’air tiède portant des odeurs d’herbe chaude et des bruits lointains de campagne, entra brusquement par ces trois grands trous, se mêlant à l’air un peu humide de la pièce profonde enfermée dans les murs épais du château.

— Ah ! c’est bon, dit Annette, en respirant à pleine gorge.