Aller au contenu

Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
211
fort comme la mort

Mais voyant le visage de la comtesse s’altérer de plus en plus, il continua, d’un ton plus doux :

— Voyons, ma chère Any, mais c’est justement parce que je vous retrouve en elle, que cette fillette me plaît beaucoup. C’est vous, vous seule que j’aime en la regardant.

― Oui, c’est justement ce dont je commence à tant souffrir, et ce que je redoute si fort. Vous ne démêlez point encore ce que vous sentez. Vous ne vous y tromperez plus dans quelque temps.

— Any, je vous assure que vous devenez folle.

— Voulez-vous des preuves ?

― Oui.

— Vous n’étiez pas venu à Roncières depuis trois ans, malgré mes instances. Mais vous vous êtes précipité quand on vous a proposé d’aller nous chercher.

— Ah ! par exemple ! Vous me reprochez de ne pas vous avoir laissée seule, là-bas, vous sachant malade, après la mort de votre mère.

— Soit ! Je n’insiste pas. Mais ceci : le besoin de revoir Annette est chez vous si impérieux, que vous n’avez pu laisser passer la journée d’aujourd’hui sans me demander de la conduire chez vous sous prétexte de pose.

— Et vous ne supposez pas que c’est vous que je cherchais à voir ?

— En ce moment vous argumentez contre vous-même, vous cherchez à vous convaincre, vous ne me trompez pas. Écoutez encore. Pourquoi êtes-vous parti brusquement, avant-hier soir, quand le marquis de Farandal est entré ? Le savez-vous ?

Il hésita, fort surpris, fort inquiet, désarmé par cette observation. Puis, lentement :