narcotique ! Il se leva donc et passa dans sa bibliothèque, afin de choisir un ouvrage bien fait et soporifique ; mais son esprit éveillé malgré lui, avide d’une émotion
quelconque cherchait sur les rayons un nom d’écrivain qui répondît à son état d’exaltation et d’attente. Balzac, qu’il adorait, ne lui dit rien ; il
dédaigna Hugo,
méprisa Lamartine qui pourtant le
laissait attendri et il tomba avidement sur Musset, le poète des tout
jeunes gens. Il en prit un volume
et l’emporta pour lire
au hasard des feuilles.
Quand il se fut recouché, il se mit à
boire, avec une
soif d’ivrogne,
ces vers faciles
d’inspiré qui
chanta, comme
un oiseau, l’aurore de
l’existence et, n’ayant
d’haleine que pour le matin, se
tut devant le jour brutal, ces vers
d’un poète qui fut surtout un homme enivré de la vie,
lâchant son ivresse en fanfares d’amour éclatantes et
naïves, écho de tous les jeunes cœurs éperdus de
désirs.
Jamais Bertin n’avait compris ainsi le charme physique de ces poèmes qui émeuvent les sens et remuent à peine l’intelligence. Les yeux sur ces vers vibrants, il se sentait une âme de vingt ans, soulevée d’espérances, et il lut le volume presque entier dans une griserie juvénile. Trois heures sonnèrent, jetant en lui l’éton-