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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/25

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fort comme la mort

vie libre et remuante de la campagne à la vie cloîtrée de la ville.

Depuis trois ans, elle n’y était même pas venue une seule fois, la comtesse préférant l’en tenir tout à fait éloignée, afin de ne point éveiller en elle un goût nouveau avant le jour fixé pour son entrée dans le monde. Mme de Guilleroy lui avait donné là-bas deux institutrices fort diplômées, et elle multipliait ses voyages auprès de sa mère et de sa fille. Le séjour d’Annette au château était, d’ailleurs, rendu presque nécessaire par la présence de la vieille femme.

Autrefois, Olivier Bertin allait chaque année passer six semaines ou deux mois à Roncières ; mais depuis trois ans, des rhumatismes l’avaient entraîné en des villes d’eaux lointaines qui avaient tellement ravivé son amour de Paris, qu’il ne le pouvait plus quitter en y rentrant.

La jeune fille, en principe, n’aurait dû revenir qu’à l’automne, mais son père avait brusquement conçu un projet de mariage pour elle, et il la rappelait afin qu’elle rencontrât immédiatement celui qu’il lui destinait comme fiancé, le marquis de Farandal. Cette combinaison, d’ailleurs, était tenue très secrète, et seul, Olivier Bertin en avait reçu la confidence de Mme de Guilleroy.

Donc il demanda :

— Alors l’idée de votre mari est bien arrêtée ?

— Oui, je la crois même très heureuse.

Puis ils parlèrent d’autres choses.

Elle revint à la peinture et voulut le décider à faire un Christ. Il résistait, jugeant qu’il y en avait déjà assez par le monde ; mais elle tenait bon, obstinée, et elle s’impatientait.