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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/256

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fort comme la mort

— Non, vraiment. Vous vous amuserez bien sans moi.

Le devinant mécontent et chagrin, elle insista, pour se montrer gentille.

— Si, venez, monsieur le peintre. Je vous assure que, moi, je ne peux pas me passer de vous.

Quelques mots lui échappèrent si vivement qu’il ne put ni les arrêter dans sa bouche ni modifier leur accent.

— Bah ! Vous vous passez de moi comme tout le monde.

Elle s’exclama, un peu surprise du ton :

— Allons, bon ! Voilà qu’il recommence à ne plus me tutoyer.

Il eut sur les lèvres un de ces sourires crispés qui montrent tout le mal d’une âme, et avec un petit salut :

— Il faudra bien que j’en prenne l’habitude, un jour ou l’autre.

— Pourquoi ça ?

— Parce que vous vous marierez et que votre mari, quel qu’il soit, aurait le droit de trouver déplacé ce tutoiement dans ma bouche.

La comtesse s’empressa de dire :

— Il sera temps alors d’y songer. Mais j’espère qu’Annette n’épousera pas un homme assez susceptible pour se formaliser de cette familiarité de vieil ami.

Le comte criait :

— Allons, allons, en route ! Nous allons nous mettre en retard !

Et ceux qui devaient l’accompagner, s’étant levés, sortirent avec lui après les poignées de main d’usage et les baisers que la duchesse, la comtesse et sa fille