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fort comme la mort

Tout à coup Olivier eut l’idée, qui sembla naître au fond de son cœur, de donner à Annette le plaisir de ce spectacle. Puis il songea que le deuil de la comtesse mettait obstacle à ce projet, et il chercha des combinaisons pour le réaliser quand même. Une seule se présenta. Il fallait prendre une loge sur la scène où l’on était presque invisible, et, si la comtesse néanmoins n’y voulait pas venir, faire accompagner Annette par son père et par la duchesse. En ce cas, c’est à la duchesse qu’il faudrait offrir cette loge. Mais il devrait alors inviter le marquis !

Il hésita et réfléchit longtemps.

Certes, le mariage était décidé, même fixé sans aucun doute. Il devinait la hâte de son amie à terminer cela, il comprenait que, dans les limites les plus courtes, elle donnerait sa fille à Farandal. Il n’y pouvait rien. Il ne pouvait ni empêcher, ni modifier, ni retarder cette affreuse chose ! Puisqu’il fallait la subir, ne valait-il pas mieux essayer de dompter son âme, de cacher sa souffrance, de paraître content, de ne plus se laisser entraîner, comme tout à l’heure, par son emportement ?

Oui, il inviterait le marquis, apaisant par là les soupçons de la comtesse et se gardant une porte amie dans l’intérieur du jeune ménage.

Dès qu’il eut déjeuné, il descendit à l’Opéra pour s’assurer la possession d’une des loges cachées derrière le rideau. Elle lui fut promise. Alors il courut chez les Guilleroy.

La comtesse parut presque aussitôt, et, encore tout émue de leur attendrissement de la veille :

— Comme c’est gentil de revenir aujourd’hui dit-elle !