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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/297

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fort comme la mort

Musadieu parlait toujours et Bertin l’interrompit en murmurant presque malgré lui sous la puissance de l’idée fixe :

― Annette était charmante, ce soir.

— Oui, délicieuse…

Le peintre ajouta, pour empêcher Musadieu de reprendre le fil coupé de ses idées :

— Elle est plus jolie que n’a été sa mère.

L’autre approuva d’une façon distraite en répétant plusieurs fois de suite : « Oui… oui… oui… », sans que son esprit se fixât encore à cette pensée nouvelle.

Olivier s’efforçait de l’y maintenir, et, rusant pour l’y attacher par une des préoccupations favorites de Musadieu, il reprit :

— Elle aura un des premiers salons de Paris, après son mariage.

Cela suffit, et l’homme du monde convaincu qu’était l’inspecteur des Beaux-Arts se mit à apprécier savamment la situation qu’occuperait dans la société française, la marquise de Farandal.

Bertin l’écoutait et il entrevoyait Annette dans un grand salon plein de lumières, entourée de femmes et d’hommes. Cette vision, encore, le rendit jaloux.

Ils montaient maintenant le boulevard Malesherbes. Quand il passa devant la maison des Guilleroy, le peintre leva les yeux. Des lumières semblaient briller aux fenêtres, derrière des fentes de rideaux. Le soupçon lui vint que la duchesse et son neveu avaient été peut-être invités à venir boire une tasse de thé. Et une rage le crispa qui le fit souffrir atrocement.

Il serrait toujours le bras de Musadieu, et il activait parfois d’une contradiction ses opinions sur la jeune future marquise. Cette voix banale qui parlait d’elle