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fort comme la mort

tion de tous leurs souvenirs, de toute leur tendresse écrasée aussi, de tout ce qu’ils avaient senti ensemble, de tout ce qu’ils avaient uni et confondu en leur vie, dans cet entraînement qui les donna l’un à l’autre.

Ils se regardaient, et le besoin de se parler, d’entendre ces mille choses intimes, si tristes qu’ils avaient encore à se dire, leur montait aux lèvres, irrésistible. Elle sentit qu’il lui fallait, à tout prix, éloigner ces deux hommes qu’elle avait derrière elle, qu’elle devait trouver un moyen, une ruse, une inspiration, elle, la femme féconde en ressources. Et elle se mit à y songer, les yeux toujours fixés sur Olivier.

Son mari et le docteur causaient à voix basse. Il était question des soins à donner.

Tournant la tête, elle dit au médecin :

— Avez-vous amené une garde ?

— Non je préfère envoyer un interne qui pourra mieux surveiller la situation.

― Envoyez l’un et l’autre. On ne prend jamais trop de soins. Pouvez-vous les avoir cette nuit même, car je ne pense pas que vous restiez jusqu’au matin ?

— En effet, je vais rentrer. Je suis ici depuis quatre heures déjà.

— Mais, en rentrant, vous nous enverrez la garde et l’interne ?

— C’est assez difficile, au milieu de la nuit. Enfin, je vais essayer.

— Il le faut.

— Ils vont peut-être promettre, mais viendront-ils ?

— Mon mari vous accompagnera et les ramènera de gré ou de force.

— Vous ne pouvez rester seule ici, vous, Madame.

— Moi !… fit-elle avec une sorte de cri, de défi, de