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II

Quand Bertin entra, le vendredi soir, chez son amie, où il devait dîner pour fêter le retour d’Antoinette de Guilleroy, il ne trouva encore, dans le petit salon Louis XV, que M. de Musadieu, qui venait d’arriver.

C’était un vieil homme d’esprit, qui aurait pu devenir peut-être un homme de valeur, et qui ne se consolait point de ce qu’il n’avait pas été.

Ancien conservateur des musées impériaux, il avait trouvé moyen de se faire renommer inspecteur des Beaux-Arts sous la République, ce qui ne l’empêchait pas d’être, avant tout, l’ami des Princes, de tous les Princes, des Princesses et des Duchesses de l’aristocratie européenne, et le protecteur juré des artistes de toute sorte. Doué d’une intelligence alerte, capable de tout entrevoir, d’une grande facilité de parole qui lui permettait de dire avec agrément les choses les plus ordinaires, d’une souplesse de pensée qui le mettait à l’aise dans tous les milieux, et d’un flair subtil de diplomate qui lui faisait juger les hommes à première vue, il promenait, de salon en salon, le long des jours et des soirs, son activité éclairée, inutile et bavarde.

Apte à tout faire, semblait-il, il parlait de tout avec un semblant de compétence attachant et une clarté