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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/74

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fort comme la mort

Bertin, elles étaient en tout semblables, et seule la différence d’âge les faisait paraître différentes.

Le peintre disait :

— Est-elle changée, depuis trois ans ! Je ne l’aurais pas reconnue, je ne vais pas oser la tutoyer.

La comtesse se mit à rire.

— Ah ! par exemple ! Je voudrais bien vous voir dire « vous » à Annette.

La jeune fille, dont la future crânerie apparaissait sous des airs timidement espiègles, reprit :

― C’est moi qui n’oserai plus dire « tu » à M. Bertin.

Sa mère sourit.

― Garde cette mauvaise habitude, je te la permets. Vous referez vite connaissance.

Mais Annette remuait la tête.

— Non, non. Ça me gênerait.

La duchesse, l’ayant embrassée, l’examinait en connaisseuse, intéressée.

— Voyons, petite, regarde-moi bien en face. Oui, tu as tout à fait le même regard que ta mère ; tu seras pas mal dans quelque temps, quand tu auras pris du brillant. Il faut engraisser, pas beaucoup, mais un peu ; tu es maigrichonne.

La comtesse s’écria :

— Oh ! ne lui dites pas cela.

— Et pourquoi ?

— C’est si agréable d’être mince ! Moi, je vais me faire maigrir.

Mais Mme de Mortemain se fâcha, oubliant, dans la vivacité de sa colère, la présence d’une fillette.

— Ah toujours ! vous en êtes toujours à la mode des os, parce qu’on les habille mieux que la chair.