Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/106

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Ils se levèrent de table, congestionnés et fouettés par l’alcool, prêts à partir pour toutes les conquêtes, et ils commençaient à délibérer sur l’emploi de leur soirée, Bertin parlant du Cirque, Rocdiane de l’Hippodrome, Maldant de l’Éden et Landa des Folies-Bergère, quand un bruit de violons qu’on accorde, léger, lointain, vint jusqu’à eux.

— Tiens, il y a donc musique aujourd’hui au Cercle, dit Rocdiane.

— Oui, répondit Bertin, si nous y passions dix minutes avant de sortir ?

— Allons.

Ils traversèrent un salon, la salle de billard, une salle de jeu, puis arrivèrent dans une sorte de loge dominant la galerie des musiciens. Quatre messieurs, enfoncée en des fauteuils, attendaient déjà d’un air recueilli, tandis qu’en bas, au milieu des rangs de sièges vides, une dizaine d’autres causaient, assis ou debout.

Le chef d’orchestre tapait sur le pupitre à petits coups de son archet : on commença.

Olivier Bertin adorait la musique ; comme on adore l’opium. Elle le faisait rêver.

Dès que le flot sonore des instruments l’avait touché, il se sentait emporté dans une sorte d’ivresse nerveuse qui rendait son corps et son intelligence incroyablement vibrants. Son imagination s’en