Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/150

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la moitié du charme qui le tenait dans ce salon venait de sortir avec elle. Approchant aussitôt des pieds de la comtesse le petit siège bas qu’il préférait, il s’asseyait tout près d’elle et posait, par moments, avec un mouvement câlin, une joue contre ses genoux. Elle lui donnait une de ses mains, qu’il tenait dans les siennes, et sa fièvre d’esprit tombant soudain, il cessait de parler et semblait se reposer dans un tendre silence de l’effort qu’il avait fait.

Elle comprit bien, peu à peu, avec son flair de femme, qu’Annette l’attirait presque autant qu’elle-même. Elle n’en fut point fâchée, heureuse qu’il pût trouver entre elles quelque chose de la famille dont elle l’avait privé ; et elle l’emprisonnait le plus possible entre elles deux, jouant à la maman pour qu’il se crût presque père de cette fillette et qu’une nuance nouvelle de tendresse s’ajoutât à tout ce qui le captivait dans cette maison.

Sa coquetterie, toujours éveillée, mais inquiète depuis qu’elle sentait, de tous les côtés, comme des piqûres presque imperceptibles encore, les innombrables attaques de l’âge, prit une allure plus active. Pour devenir aussi svelte qu’Annette, elle continuait à ne point boire, et l’amincissement réel de sa taille lui rendait en effet sa tournure de jeune fille, tellement que, de dos, on les distinguait à peine ; mais sa figure amaigrie se ressentait de ce