Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/160

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et m’accable d’ennui. Alors je vais traîner ma mélancolie au Cercle.

« Et savez-vous pourquoi ? Uniquement parce que vous n’êtes plus ici. J’en suis certain. Lorsque je vous sais à Paris, il n’y a plus de promenade inutile, puisqu’il est possible que je vous rencontre sur le premier trottoir venu. Je peux aller partout parce que vous pouvez être partout. Si je ne vous aperçois point, je puis au moins trouver Annette qui est une émanation de vous. Vous me mettez, l’une et l’autre, de l’espérance plein les rues, l’espérance de vous reconnaître, soit que vous veniez de loin vers moi, soit que je vous devine en vous suivant. Et alors la ville me devient charmante, et les femmes dont la tournure ressemble à la vôtre agitent mon cœur de tout le mouvement des rues, entretiennent mon attente, occupent mes yeux, me donnent une sorte d’appétit de vous voir.

« Vous allez me trouver bien égoïste, ma pauvre amie, moi qui vous parle ainsi de ma solitude de vieux pigeon roucoulant, alors que vous pleurez des larmes si douloureuses. Pardonnez-moi, je suis tant habitué à être gâté par vous, que je crie : « Au secours » quand je ne vous ai plus.

« Je baise vos pieds pour que vous ayez pitié de moi.

« Olivier. »