Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/171

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— Oh ! j’aime mieux être ici que là-bas.

— Et moi, répondit Bertin, j’aimerais mieux être là-bas qu’ici.

— Allons donc !

— Parbleu. Je trouve Paris infect, cet été.

— Eh ! mon cher, c’est toujours Paris.

Le député semblait être dans un jour de contentement, dans un de ces rares jours d’effervescence égrillarde où les hommes graves font des bêtises. Il regardait deux cocottes dînant à une table voisine avec trois maigres jeunes messieurs superlativement corrects, et il interrogeait sournoisement Olivier sur toutes les filles connues et cotées dont il entendait chaque jour citer les noms. Puis il murmura avec un ton de profond regret :

— Vous avez de la chance d’être resté garçon, vous. Vous pouvez faire et voir tant de choses.

Mais le peintre se récria, et pareil à tous ceux qu’une pensée harcèle, il prit Guilleroy pour confident de ses tristesses et de son isolement. Quand il eut tout dit, récité jusqu’au bout la litanie de ses mélancolies, et raconté naïvement, poussé par le besoin de soulager son cœur, combien il eût désiré l’amour et le frôlement d’une femme installée à son côté, le comte, à son tour, convint que le mariage avait du bon. Retrouvant alors son éloquence parlementaire pour vanter la douceur de sa vie intérieure, il fit de la comtesse un grand éloge,