Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/176

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jambes, en reniflant fortement. Le voyant debout, les deux autres aussitôt l’imitèrent ; et Julio se mit à danser autour d’eux une danse de triomphe, tandis qu’Annette le félicitait.

— Bravo, Julio, bravo !

— Allons, dit la comtesse, viens donc déjeuner, mon enfant.

Mais la jeune fille, posant une main en abat-jour sur ses yeux, annonça :

— Tiens ! le porteur du télégraphe.

Dans le sentier invisible, perdu au milieu des blés et des avoines, une blouse bleue semblait glisser à la surface des épis, et s’en venait vers le château, au pas cadencé de l’homme.

— Mon Dieu ! murmura la comtesse, pourvu que ce ne soit pas une mauvaise nouvelle !

Elle frissonnait encore de cette terreur que laisse si longtemps en nous la mort d’un être aimé trouvée dans une dépêche. Elle ne pouvait maintenant déchirer la bande collée pour ouvrir le petit papier bleu, sans sentir trembler ses doigts et s’émouvoir son âme, et croire que de ces plis si longs à défaire allait sortir un chagrin qui ferait de nouveau couler ses larmes.

Annette, au contraire, pleine de curiosité jeune, aimait tout l’inconnu qui vient à nous. Son cœur, que la vie venait pour la première fois de meurtrir, ne pouvait attendre que des joies de la saco-