Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/209

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de petit garçon, des envies de courir et d’attraper avec ses mains les papillons jaunes qui sautillaient sur la pelouse comme s’ils eussent été suspendus au bout de fils élastiques. Il chantonnait des airs d’opéra. Plusieurs fois de suite, il répéta la phrase célèbre de Gounod : « Laisse-moi contempler ton visage », y découvrant une expression profondément tendre qu’il n’avait jamais sentie ainsi.

Soudain, il se demanda comment il se pouvait faire qu’il fût devenu si vite si différent de lui-même. Hier, à Paris, mécontent de tout, dégoûté, irrité, aujourd’hui calme, satisfait de tout, on eût dit qu’un dieu complaisant avait changé son âme. « Ce bon dieu-là, pensa-t-il, aurait bien dû me changer de corps en même temps, et me rajeunir un peu. » Tout à coup, il aperçut Julio qui chassait dans un fourré. Il l’appela, et quand le chien fut venu placer sous la main sa tête fine coiffée de longues oreilles frisottées, il s’assit dans l’herbe pour le mieux flatter, lui dit des gentillesses, le coucha sur ses genoux, et s’attendrissant à le caresser, l’embrassa comme font les femmes dont le cœur s’émeut à toute occasion.

Après le dîner, au lieu de sortir comme la veille, ils passèrent la soirée au salon, en famille.

La comtesse dit tout à coup :

— Il va pourtant falloir que nous partions !

Olivier s’écria :