Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/228

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voyant qu’il allait être quatre heures, et se sauva pour prendre sa fille, qu’Olivier, déjà, devait attendre.

Elles trouvèrent l’artiste dans son atelier, étudiant sur la toile la pose de sa Rêverie. Il voulait reproduire exactement ce qu’il avait vu au parc Monceau, en se promenant avec Annette : une fille pauvre, rêvant, un livre ouvert sur les genoux. Il avait beaucoup hésité s’il la ferait laide ou jolie ? Laide, elle aurait plus de caractère, éveillerait plus de pensée, plus d’émotion, contiendrait plus de philosophie. Jolie, elle séduirait davantage, répandrait plus de charme, plairait mieux.

Le désir de faire une étude d’après sa petite amie le décida. La Rêveuse serait jolie, et pourrait, par suite, réaliser son rêve poétique, un jour ou l’autre, tandis que laide demeurerait condamnée au rêve sans fin et sans espoir.

Dès que les deux femmes furent entrées, Olivier dit en se frottant les mains :

— Eh bien, mademoiselle Nané, nous allons donc travailler ensemble.

La comtesse semblait soucieuse. Elle s’assit dans un fauteuil et regarda Olivier plaçant dans le jour voulu une chaise de jardin en jonc de fer. Il ouvrit ensuite sa bibliothèque pour chercher un livre, puis, après une hésitation :

— Qu’est-ce qu’elle lit, votre fille ?