Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/282

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dormaient encore du sommeil de la jeunesse.

Lui, maintenant, il était presque au bout de sa vie ! Comment donc cette enfant l’avait-elle pris avec quelques sourires et des mèches de cheveux ! Ah ! les sourires, les cheveux de cette petite fillette blonde lui donnaient des envies de tomber à genoux et de se frapper le front par terre !

Sait-on, sait-on jamais pourquoi une figure de femme a tout à coup sur nous la puissance d’un poison ? Il semble qu’on l’a bue avec les yeux, qu’elle est devenue notre pensée et notre chair ! On en est ivre, on en est fou, on vit de cette image absorbée et on voudrait en mourir !

Comme on souffre parfois de ce pouvoir féroce et incompréhensible d’une forme de visage sur le cœur d’un homme !

Olivier Bertin s’était remis à marcher ; la nuit s’avançait ; son poêle s’était éteint. À travers les vitrages, le froid du dehors entrait. Alors il gagna son lit où il continua jusqu’au jour à songer et à souffrir.

Il fut debout de bonne heure, sans savoir pourquoi, ni ce qu’il allait faire, agité par ses nerfs, irrésolu comme une girouette qui tourne.

À force de chercher une distraction pour son esprit, une occupation pour son corps, il se souvint que, ce jour-là même, quelques membres de son cercle se retrouvaient, chaque semaine, au Bain