Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/295

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Elle se sentait une âme vivace et fraîche, un cœur toujours jeune, l’ardeur d’un être qui commence à vivre, un appétit de bonheur insatiable, plus vorace même qu’autrefois, et un besoin d’aimer dévorant.

Et voilà que toutes les bonnes choses, toutes les choses douces, délicieuses, poétiques, qui embellissent et font chérir l’existence, se retiraient d’elle, parce qu’elle avait vieilli ! C’était fini ! Elle retrouvait pourtant encore en elle ses attendrissements de jeune fille et ses élans passionnés de jeune femme. Rien n’avait vieilli que sa chair, sa misérable peau, cette étoffe des os, peu à peu fanée, rongée comme le drap sur le bois d’un meuble. La hantise de cette décadence était attachée à elle, devenue presque une souffrance physique. L’idée fixe avait fait naître une sensation d’épiderme, la sensation du vieillissement, continue et perceptible comme celle du froid ou de la chaleur. Elle croyait, en effet, sentir, ainsi qu’une vague démangeaison, la marche lente des rides sur son front, l’affaissement du tissu des joues et de la gorge, et la multiplication de ces innombrables petits traits qui fripent la peau fatiguée. Comme un être atteint d’un mal dévorant qu’un constant prurit contraint à se gratter, la perception et la terreur de ce travail abominable et menu du temps rapide lui mirent dans l’âme l’irrésistible besoin de le constater dans