Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/33

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lière, peu réalisable, guère poursuivable aussi à cause des complications qu’elle pourrait amener dans sa vie.

Pourtant cette femme lui plaisait beaucoup, et il conclut : « Décidément, je suis dans un drôle d’état. »

La pendule sonna, et le bruit de l’heure le fit tressaillir, ébranlant ses nerfs plus que son âme. Il l’attendit avec cette impatience que le retard accroît de seconde en seconde. Elle était toujours exacte ; donc, avant dix minutes, il la verrait entrer. Quand les dix minutes furent passées, il se sentit tourmenté comme à l’approche d’un chagrin, puis irrité qu’elle lui fît perdre du temps, puis il comprit brusquement que si elle ne venait pas, il allait beaucoup souffrir. Que ferait-il ? Il l’attendrait ! — Non, — il sortirait, afin que si, par hasard, elle arrivait fort en retard, elle trouvât l’atelier vide.

Il sortirait, mais quand ? Quelle latitude lui laisserait-il ? Ne vaudrait-il pas mieux rester et lui faire comprendre, par quelques mots polis et froids, qu’il n’était pas de ceux qu’on fait poser ? Et si elle ne venait pas ? Alors il recevrait une dépêche, une carte, un domestique ou un commissionnaire ? Si elle ne venait pas, qu’allait-il faire ? C’était une journée perdue : il ne pourrait plus travailler. Alors ?… Alors, il irait prendre de ses nouvelles, car il avait besoin de la voir.