Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/61

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M. de Musadieu, cependant, semblait savoir des choses qu’il ne voulait pas dire. Il avait vu d’ailleurs un ministre dans la journée et rencontré le grand-duc Wladimir, revenu de Cannes, la veille au soir.

L’artiste résistait et, avec une ironie tranquille, contestait la compétence des gens les mieux informés. Derrière toutes ces rumeurs, on préparait des mouvements de bourse ! Seul, M. de Bismarck devait avoir là-dessus une opinion arrêtée, peut-être.

M. de Guilleroy entra, serra les mains avec empressement, en s’excusant, par phrases onctueuses, de les avoir laissés seuls.

— Et vous, mon cher député, demanda le peintre, que pensez-vous des bruits de guerre ?

M. de Guilleroy se lança dans un discours. Il en savait plus que personne comme membre de la Chambre, et cependant il n’était pas du même avis que la plupart de ses collègues. Non, il ne croyait pas à la probabilité d’un conflit prochain, à moins qu’il ne fût provoqué par la turbulence française et par les rodomontades des soi-disant patriotes de la ligue. Et il fit de M. de Bismarck un portrait à grands traits, un portrait à la Saint-Simon. Cet homme-là, on ne voulait pas le comprendre, parce qu’on prête toujours aux autres sa propre manière de penser, et qu’on les croit prêts à faire