Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/93

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rapide, attelée d’un seul trotteur, emportant avec une vitesse folle, à travers toute cette foule roulante, bourgeoise ou aristocrate, à travers tous les mondes, toutes les classes, toutes les hiérarchies, une femme jeune, indolente, dont la toilette claire et hardie jetait aux voitures qu’elle frôlait un étrange parfum de fleur inconnue.

— Cette dame-là, qui est-ce ? demandait Annette.

— Je ne sais pas, répondait Bertin, tandis que la duchesse et la comtesse échangeaient un sourire.

Les feuilles poussaient, les rossignols familiers de ce jardin parisien chantaient déjà dans la jeune verdure, et quand on eut pris la file au pas, en approchant du lac, ce fut de voiture à voiture un échange incessant de saluts, de sourires et de paroles aimables, lorsque les roues se touchaient. Cela, maintenant, avait l’air du glissement d’une flotte de barques où étaient assis des dames et des messieurs très sages. La duchesse, dont la tête à tout instant se penchait devant les chapeaux levés ou les fronts inclinés, paraissait passer une revue et se remémorer ce qu’elle savait, ce qu’elle pensait et ce qu’elle supposait des gens, à mesure qu’ils défilaient devant elle.

— Tiens, petite, revoici la belle Mme Mandelière, la beauté de la République.

Dans une voiture légère et coquette, la beauté