Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/95

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— Oh ! fit-elle, elle n’est plus bien fraîche.

Bertin, qui d’ordinaire dans les discussions quotidiennement revenues sur ces deux rivales, ne soutenait point la comtesse, se fâcha soudain de cette intolérance de gamine.

— Bigre, dit-il, qu’on l’aime plus ou moins, elle est charmante, et je te souhaite de devenir aussi jolie qu’elle.

— Laissez donc, reprit la duchesse, vous remarquez seulement les femmes quand elles ont passé trente ans. Elle a raison, cette enfant, vous ne les vantez que défraîchies.

Il s’écria :

— Permettez, une femme n’est vraiment belle que tard, lorsque toute son expression est sortie.

Et développant cette idée que la première fraîcheur n’est que le vernis de la beauté qui mûrit, il prouva que les hommes du monde ne se trompent pas en faisant peu d’attention aux jeunes femmes dans tout leur éclat, et qu’ils ont raison de ne les proclamer « belles » qu’à la dernière période de leur épanouissement.

La comtesse, flattée, murmurait :

— Il est dans le vrai, il juge en artiste. C’est très gentil, un jeune visage, mais toujours un peu banal.

Et le peintre insista, indiquant à quel moment une figure, perdant peu à peu la grâce indécise de