Page:Maupassant - Ivan Tourgueneff, paru dans Le Gaulois, 5 septembre 1883.djvu/5

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

connu tous les grands hommes de son siècle, lu tout ce qu’un être humain peut lire, et qui parlait aussi bien que la sienne, toutes les langues de l’Europe. Il demeurait surpris, stupéfait devant les choses qui paraîtraient simples à des collégiens de Paris.

On eût dit que la réalité palpable le blessait, car son esprit ne s’étonnait point des choses écrites, alors qu’il se révoltait des moindres choses vécues. Peut-être son extrême droiture et sa large bonté instinctive lui faisaient-elles éprouver une sorte de froissement au contact des duretés, des vices et des duplicités de la nature humaine ; tandis que son intelligence, au contraire, alors qu’il songeait seul devant sa table, lui faisait comprendre et pénétrer la vie jusque dans ses hontes secrètes comme on voit, d’une fenêtre, dans la rue, des événements auxquels on ne prend point part.