Page:Maupassant - Ivan Tourgueneff, paru dans Gil Blas, 6 septembre 1883.djvu/11

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nouvelles que se développe le plus l’originalité de cet écrivain qui est un prodigieux conteur.

Psychologue profond et artiste raffiné, il sait composer en quelques pages une œuvre absolue, indiquer des figures complètes en quelques traits si légers, si habiles qu’on ne comprend point comment de pareils effets peuvent être obtenus avec des moyens en apparence si simples. C’est un évocateur d’âmes, sans rival pour nous faire pénétrer les dedans d’un être dont il nous montre aussi les dehors comme si on le voyait, et cela sans qu’on remarque jamais ses procédés, ses mots, ses intentions et ses malices d’écrivain. Il sait créer surtout l’atmosphère de ses contes avec un incomparable génie. On se sent, dès qu’on lit une de ses œuvres, pris soi-même dans le milieu qu’il évoque, on en respire l’air, on en partage les tristesses, les angoisses ou les joies. Il apporte aux poumons une saveur étrange et particulière, il nous donne le goût de ses livres comme si on buvait quelque boisson délicieusement amère.

Lui aussi, c’était un mélancolique, mais un mélancolique doux, un résigné consta-