Page:Maupassant - L’Inutile Beauté, OC, Conard, 1908.djvu/188

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des cigarettes en se promenant dans la chambre, et il était si joli garçon, avec sa moustache et ses cheveux frisés, que je pensais : "C’est vrai, tout de même, ce qu’il raconte. Puisque j’en suis folle, moi, de cet homme-là, pourquoi donc les autres n’en seraient-elles pas aussi toquées ? " Ah ! j’en ai eu des envies de pleurer, et de crier, et de me sauver, et de me jeter par la fenêtre, tout en desservant la table pendant qu’il fumait toujours. Il bâillait, en ouvrant la bouche, pour me montrer combien il était las, et il disait deux ou trois fois avant de se mettre au lit : "Dieu que je dormirai bien cette nuit ! "

Je ne lui en veux pas, car il ne savait point combien il me peinait. Non, il ne pouvait pas le savoir ! il aimait se vanter des femmes comme un paon qui fait la roue. Il en était arrivé à croire que toutes le regardaient et le voulaient.

Ça a été dur quand il a vieilli.

Oh ! monsieur, quand j’ai vu son premier cheveu blanc, j’ai eu un saisissement à perdre le souffle, et puis une joie - une vilaine joie - mais si grande, si grande !!! Je me suis dit : "C’est la fin… c’est la fin…" Il m’a semblé qu’on allait me sortir de prison. Je