Alors, en une seconde, un roman se composa et se déroula dans ma tête. Il ressemblait d’ailleurs à tous ceux que j’avais lus où, tantôt le jeune homme, tantôt la jeune fille, épouse son fiancé ou sa fiancée après la catastrophe, soit corporelle, soit financière. Donc, cet officier mutilé pendant la guerre avait retrouvé, après la campagne, la jeune fille qui s’était promise à lui ; et, tenant son engagement, elle s’était donnée.
Je jugeais cela beau, mais simple, comme on juge simples tous les dévouements et tous les dénouements des livres et du théâtre. Il semble toujours, quand on lit, ou quand on écoute, à ces écoles de magnanimité, qu’on se serait sacrifié soi-même avec un plaisir enthousiaste, avec un élan magnifique. Mais on est de fort mauvaise humeur, le lendemain, quand un ami misérable vient vous emprunter quelque argent.
Puis, soudain, une autre supposition, moins poétique et plus réaliste, se substitua à la première. Peut-être s’était-il marié avant la guerre, avant l’épouvantable accident de ce boulet lui coupant les jambes, et avait-elle dû, désolée et résignée, recevoir, soigner, consoler, soutenir ce mari, parti fort et beau, revenu avec