Page:Maupassant - L’Inutile Beauté, OC, Conard, 1908.djvu/242

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les serres où je les cache ainsi que les femmes des harems.

Qui connaît, hors moi, la douceur, l’affolement, l’extase frémissante, charnelle, idéale, surhumaine de ces tendresses ; et ces baisers sur la chair rose, sur la chair rouge, sur la chair blanche miraculeusement différente, délicate, rare, fine, onctueuse des admirables fleurs ?

J’ai des serres où personne ne pénètre que moi et celui qui en prend soin.

J’entre là comme on se glisse en un lieu de plaisir secret. Dans la haute galerie de verre, je passe d’abord entre deux foules de corolles fermées, entrouvertes ou épanouies qui vont en pente de la terre au toit. C’est le premier baiser qu’elles m’envoient.

Celles-là, ces fleurs-là, celles qui parent ce vestibule de mes passions mystérieuses sont mes servantes et non mes favorites.

Elles me saluent au passage de leur éclat changeant et de leurs fraîches exhalaisons. Elles sont mignonnes, coquettes, étagées sur huit rangs à droite et sur huit rangs à gauche, et si pressées qu’elles ont l’air de deux jardins venant jusqu’à mes pieds.

Mon cœur palpite, mon œil s’allume à les