Page:Maupassant - L’Inutile Beauté, OC, Conard, 1908.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

en jetant sa chaise contre le mur, puis sortit sans ajouter un mot.

Mais elle, alors, poussant un grand soupir, comme après une première victoire, reprit d’une voix calmée :

— Ne faites pas attention, mes chéris, votre papa a éprouvé un gros chagrin tantôt. Et il a encore beaucoup de peine. Dans quelques jours il n’y paraîtra plus.

Alors elle causa avec l’abbé ; elle causa avec Mlle Smith ; elle eut pour tous ses enfants des paroles tendres, des gentillesses, de ces douces gâteries de mère qui dilatent les petits coeurs.

Quand le dîner fut fini, elle passa au salon avec toute sa maisonnée. Elle fit bavarder les aînés, conta des histoires aux derniers, et, lorsque fut venue l’heure du coucher général, elle les baisa très longuement, puis, les ayant envoyés dormir, elle rentra seule dans sa chambre.

Elle attendit, car elle ne doutait pas qu’il viendrait. Alors, ses enfants étant loin d’elle, elle se décida à défendre sa peau d’être humain comme elle avait défendu sa vie de femme du monde, et elle cacha, dans la poche de sa robe, le petit revolver chargé