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Page:Maupassant - La Main gauche, OC, Conard, 1910.djvu/259

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L’ENDORMEUSE.

Voulez-vous que je vous le fasse aspirer une seconde ?

— Merci, lui dis-je vivement, pas encore…

Il se mit à rire.

— Oh ! monsieur, il n’y a aucun danger. Je l’ai moi-même constaté plusieurs fois.

J’eus peur de lui paraître lâche. Je repris ;

— Je veux bien.

— Étendez-vous sur l’Endormeuse.

Un peu inquiet, je m’assis sur la chaise basse en crêpe de Chine, puis je m’allongeai, et presque aussitôt je fus enveloppé par une odeur délicieuse de réséda. J’ouvris la bouche pour la mieux boire, car mon âme déjà s’était engourdie, oubliait, savourait, dans le premier trouble de l’asphyxie, l’ensorcelante ivresse d’un opium enchanteur et foudroyant.

Je fus secoué par le bras.

— Oh ! oh ! monsieur, disait en riant le secrétaire, il me semble que vous vous y laissez prendre.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mais une voix, une vraie voix, et non plus celle des songeries, me saluait avec un timbre paysan :

— Bonjour, m’sieu. Ça va-t-il ?

Mon rêve s’envola. Je vis la Seine claire