enfants, personne ne voudrait la prendre telle qu’elle est.
Berthe, effarée, ouvrait ses grands yeux ; elle murmura :
— Oh ! grand’mère, grand’mère, on ne peut aimer qu’une fois !
L’aïeule leva vers le ciel ses mains tremblantes comme pour invoquer encore le dieu défunt des galanteries.
Elle s’écria, indignée :
— Vous êtes devenus une race de vilains, une race du commun.
Depuis la Révolution, le monde n’est plus reconnaissable. Vous avez mis de grands mots partout ; vous croyez à l’égalité et à la passion éternelle. Des gens ont fait des vers pour vous dire qu’on mourait d’amour. De mon temps on faisait des vers pour nous apprendre à aimer beaucoup. Quand un gentilhomme nous plaisait, fillette, on lui envoyait un page. Et quand il nous venait au cœur un nouveau caprice, on congédiait son dernier amant, à moins qu’on ne les gardât tous les deux.
La jeune fille, toute pâle, balbutia :
— Alors les femmes n’avaient pas d’honneur ?
La vieille bondit :
— Pas d’honneur ! parce qu’on aimait, qu’on osait le dire et même s’en vanter ? Mais,