Page:Maupassant - La Maison Tellier.djvu/168

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quatre saisons, les balayeurs et les gamins qui, pour se venger, la suivaient de loin, quand elle sortait, en criant : — « À la chie-en-lit ! »

Une petite bonne normande, incroyablement étourdie, faisait le ménage et couchait au second près de la vieille, dans la crainte d’un accident.

Lorsque Caravan rentra chez lui, sa femme, atteinte d’une maladie chronique de nettoyage, faisait reluire avec un morceau de flanelle l’acajou des chaises éparses dans la solitude des pièces. Elle portait toujours des gants de fil, ornait sa tête d’un bonnet à rubans multicolores sans cesse chaviré sur une oreille, et répétait, chaque fois qu’on la surprenait cirant, brossant, astiquant ou lessivant : — « Je ne suis pas riche, chez moi tout est simple, mais la propreté c’est mon luxe, et celui-là en vaut bien un autre. »

Douée d’un sens pratique opiniâtre, elle était en tout le guide de son mari. Chaque soir, à table, et puis dans leur lit, ils causaient longuement des affaires du bureau,