Page:Maupassant - La Maison Tellier.djvu/316

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ture, monstrueux, une immonde profanation.

Alors, dans un éclair de pensée involontaire, il songea au petit poisson dont il avait vu arracher les entrailles… Mais Madeleine murmura : « Pauline ! » du même ton passionné qu’elle disait : « Paul ! » et il fut traversé d’une telle douleur qu’il enfuit de toutes ses forces.

Il heurta deux arbres, tomba sur une racine, repartit, et se trouva soudain devant le fleuve, devant le bras rapide éclairé par la lune. Le courant torrentueux faisait de grands tourbillons où se jouait la lumière. La berge haute dominait l’eau comme une falaise, laissant à son pied une large bande obscure où les remous s’entendaient dans l’ombre.

Sur l’autre rive, les maisons de campagne de Croissy s’étageaient en pleine clarté.

Paul vit tout cela comme dans un songe, comme à travers un souvenir ; il ne songeait à rien, ne comprenait rien, et toutes les choses, son existence même, lui apparaissaient vaguement, lointaines, oubliées, finies.

Le fleuve était là. Comprit-il ce qu’il fai-