Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/128

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comme des êtres, l’envie ardente de les revoir.

Au moment de sortir, je donne encore à cette croupe de marbre ce dernier regard de la porte qu’on jette aux femmes aimées, en les quittant, et je monte aussitôt en barque pour aller saluer, devoir d’écrivain, les papyrus de l’Anapo.

On traverse le golfe d’un bord à l’autre et on aperçoit, sur la rive plate et nue, l’embouchure d’une très petite rivière, presque un ruisseau, où le bateau s’engage.

Le courant est fort et dur à remonter. Tantôt on rame, tantôt on se sert de la gaffe pour glisser sur l’eau qui court, rapide, entre deux berges couvertes de fleurs jaunes, petites, éclatantes, deux berges d’or.

Voici des roseaux que nous froissons en passant, qui se penchent et se relèvent, puis, le pied dans l’eau, des iris bleus, d’un bleu violent, sur qui voltigent d’innombrables libellules aux ailes de verre, nacrées et frémissantes, grandes comme des oiseaux-mouches. Maintenant, sur les deux talus qui nous emprisonnent, poussent des chardons géants et des liserons démesurés, enlaçant ensemble les plantes de la terre et les roseaux du ruisseau.

Sous nous, au fond de l’eau, c’est une forêt de