Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/211

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se lèvent avant le soleil, et nous apercevons entre les maisons un beau ciel propre et pâle plein de promesses de chaleur et de lumière.

On suit des ruelles, encore des ruelles, on passe le puits où le chameau emprisonné dans la coupole tourne sans fin pour monter l’eau, et on pénètre dans une maison sombre, aux murs épais, où l’on ne voit rien d’abord, et dont l’atmosphère humide et chaude suffoque un peu dès l’entrée.

Puis on aperçoit des Arabes qui sommeillent sur des nattes ; et le propriétaire du lieu, après nous avoir fait dévêtir, nous introduit dans les étuves, sortes de cachots noirs et voûtés où le jour naissant tombe du sommet par une vitre étroite et dont le sol est couvert d’une eau gluante dans laquelle on ne peut marcher sans risquer, à chaque pas, de glisser et de tomber.

Or, après toutes les opérations du massage, quand nous revenons au grand air, une ivresse de joie nous étourdit, car le soleil levé illumine les rues et nous montre, blanche comme toutes les villes arabes, mais plus sauvage, plus durement caractérisée, plus marquée de fanatisme, saisissante de pauvreté visible, de noblesse misérable et hautaine, Kairouan la sainte.