Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/39

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maisons démesurément hautes soulèvent incessamment le cœur par leurs pestilentielles émanations.

On éprouve à Gênes ce qu’on éprouve à Florence et encore plus à Venise, l’impression d’une très aristocrate cité tombée au pouvoir d’une populace.

Ici surgit la pensée des rudes seigneurs qui se battaient ou trafiquaient sur la mer, puis, avec l’argent de leurs conquêtes, de leurs captures ou de leur commerce, se faisaient construire les étonnants palais de marbre dont les rues principales sont encore bordées.

Quand on pénètre dans ces demeures magnifiques, odieusement peinturlurées par les descendants de ces grands citoyens de la plus fière des républiques, et qu’on compare le style, les cours, les jardins, les portiques, les galeries intérieures, toute la décorative et superbe ordonnance, avec l’opulente barbarie des plus beaux hôtels du Paris moderne, avec ces palais de millionnaires qui ne savent toucher qu’à l’argent, qui sont impuissants à concevoir, à désirer une belle chose nouvelle et à la faire naître avec leur or, on comprend alors que la vraie distinction de l’intelligence, que le sens de la beauté rare