Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/70

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Au théâtre, par exemple, le Sicilien redevient tout à fait Italien et il est fort curieux pour nous d’assister, à Rome, Naples ou Palerme, à quelque représentation d’opéra.

Toutes les impressions du public éclatent, aussitôt qu’il les éprouve. Nerveuse à l’excès, douée d’une oreille aussi délicate que sensible, aimant à la folie la musique, la foule entière devient une sorte de bête vibrante, qui sent et qui ne raisonne pas. En cinq minutes, elle applaudit avec enthousiasme et siffle avec frénésie le même acteur ; elle trépigne de joie ou de colère, et si quelque note fausse s’échappe de la gorge du chanteur, un cri étrange, exaspéré, suraigu, sort de toutes les bouches en même temps. Quand les avis sont partagés, les chut ! et les applaudissements se mêlent. Rien ne passe inaperçu de la salle attentive et frémissante qui témoigne, à tout instant, son sentiment, et qui parfois, saisie d’une colère soudaine, se met à hurler comme ferait une ménagerie de bêtes féroces.

Carmen, en ce moment, passionne le peuple sicilien, et on entend, du matin au soir, fredonner par les rues le fameux « Toréador ».

La rue, à Palerme, n’a rien de particulier. Elle est large et belle dans les quartiers riches, et