Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/81

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Donc une des montagnes qui dominent Palerme porte à mi-hauteur une petite ville célèbre par ses monuments anciens, Monreale : et c’est aux environs de cette cité haut perchée qu’opéraient les derniers malfaiteurs de l’île. On a conservé l’usage de placer des sentinelles tout le long de la route qui y conduit. Veut-on par là rassurer ou effrayer les voyageurs ? je l’ignore.

Les soldats, espacés à tous les détours du chemin, font penser à la sentinelle légendaire du Ministère de la guerre, en France. Depuis dix ans, sans qu’on sût pourquoi, on plaçait chaque jour un soldat en faction dans le corridor qui conduisait aux appartements du ministre, avec mission d’éloigner du mur tous les passants. Or, un nouveau ministre, d’esprit inquisiteur, succédant à cinquante autres qui avaient passé sans étonnement devant le factionnaire, demanda la cause de cette surveillance.

Personne ne put la lui dire, ni le chef de cabinet, ni les chefs de bureau collés à leur fauteuil depuis un demi-siècle. Mais un huissier, homme de souvenir, qui écrivait peut-être ses mémoires, se rappela qu’on avait mis là un soldat autrefois, parce qu’on venait de repeindre la muraille et que la femme du ministre, non prévenue, y avait