Page:Maupassant - La belle Ernestine (extrait de Gil Blas, édition du 1882-08-01).djvu/7

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nappe bleue sur qui se répand le soleil, et des voiles partout, les unes toutes blanches, flambantes, joyeuses, les autres brunes ; et parfois un grand vapeur empanaché de fumée, qui descend vers Le Havre, ou monte vers le nord.

La route s’enfonce entre deux collines et nous entrons en une série de ces petits vallons tortueux qui créent le charme si particulier des environs d’Étretat.

Ils sont nus, ces vallons, plantés d’ajoncs jaunes au printemps, jaunes comme un manteau d’or, et verts en été. Ils se déroulent avec une fantaisie charmante, imprévue et toujours coquette. Ils vont à droite, à gauche, se redressent et se courbent encore. Parfois on y rencontre des bouquets d’arbres, des bois de cent pas de long, et parfois des blés mûrs qui ondulent avec un bruit pareil à un crépitement.

Et l’on répète, malgré soi, ces vers qui reviennent sans cesse à l’esprit, ces admirables vers d’un des plus grands poètes du siècle, Leconte de Lisle :


Seuls les grands blés mûris, comme une mer dorée
Se prolongent au loin, dédaigneux du sommeil ;
Pacifiques enfants de la terre sacrée,
Ils épuisent sans peur la coupe du soleil.

Parfois, comme un soupir de leur âme brûlante,
Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux,
Une ondulation majestueuse et lente
S’élève, et va mourir à l’horizon poudreux.