Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/102

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le chef du parti ; et comme il est sénateur inamovible il considère les Rois des environs comme ayant des trônes peu sûrs.

Quant à maman, c’est l’âme de papa, c’est l’âme de la royauté et de la religion, le bras droit de Dieu sur terre, et le fléau des mal-pensants.

Donc on apporta une lettre pendant que nous étions à table. Papa l’ouvrit, la lut, puis il regarda maman et lui dit : « Ton frère est à l’article de la mort. » Maman pâlit. Presque jamais on ne parlait de mon oncle dans la maison. Moi je ne le connaissais pas du tout. Je savais seulement par la voix publique qu’il avait mené et menait encore une vie de polichinelle. Ayant mangé sa fortune avec un nombre incalculable de femmes, il n’avait conservé que deux maîtresses, avec lesquelles il vivait dans un petit appartement, rue des Martyrs.

Ancien pair de France, ancien colonel de cavalerie, il ne croyait, disait-on, ni à Dieu ni à diable. Doutant donc de la vie future, il avait abusé, de toutes les façons, de la vie présente ; et il était devenu la plaie vive du cœur de maman.

Elle dit : « Donnez-moi cette lettre, Paul. »

Quand elle eut fini de la lire, je la demandai à mon tour. La voici :