Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/122

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Je me disais : Si je leur faisais le signe, est-ce qu’ils me comprendraient, moi, moi qui suis une honnête femme ? Et voilà que je suis prise d’une envie folle de le leur faire ce signe, mais d’une envie, d’une envie de femme grosse... d’une envie épouvantable, tu sais, de ces envies... auxquelles on ne peut pas résister ! J’en ai quelquefois comme ça, moi. Est-ce bête, dis, ces choses-là ! Je crois que nous avons des âmes de singes, nous autres femmes. On m’a affirmé du reste (c’est un médecin qui m’a dit ça) que le cerveau du singe ressemblait beaucoup au nôtre. Il faut toujours que nous imitions quelqu’un. Nous imitons nos maris, quand nous les aimons, dans le premier mois des noces, et puis nos amants ensuite, nos amies, nos confesseurs quand ils sont bien. Nous prenons leurs manières de penser, leurs manières de dire, leurs mots, leurs gestes, tout. C’est stupide.

Enfin, moi quand je suis trop tentée de faire une chose, je la fais toujours.

Je me dis donc : Voyons, je vais essayer sur un, sur un seul, pour voir. Qu’est-ce qui peut m’arriver ? Rien ! Nous échangerons un sourire, et voilà tout, et je ne le reverrai jamais ; et si je le vois il ne me reconnaîtra pas ; et s’il me reconnaît je nierai, parbleu.

Je commence donc à choisir. J’en voulais