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Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/143

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dont les trois pieds courts et courbés se dressaient ainsi que trois cornes ; elle saisit un balai de sa main droite, et, de la main gauche, un seau de fer- blanc, qu’elle jeta brusquement en l’air pour qu’il retombât avec bruit.

Il fit, en heurtant le sol, un fracas épouvantable ; alors, grimpée sur une chaise, la garde souleva le rideau qui pendait au bout du lit, et elle apparut, gesticulant, poussant des clameurs aiguës au fond du pot de fer qui lui cachait la face, et menaçant de son balai, comme un diable de guignol, la vieille paysanne à bout de vie.

Éperdue, le regard fou, la mourante fit un effort surhumain pour se soulever et s’enfuir ; elle sortit même de sa couche ses épaules et sa poitrine ; puis elle retomba avec un grand soupir. C’était fini.

Et la Rapet, tranquillement, remit en place tous les objets, le balai au coin de l’armoire, le drap dedans, la marmite sur le foyer, le seau sur la planche et la chaise contre le mur. Puis, avec les gestes professionnels, elle ferma les yeux énormes de la morte, posa sur le lit une assiette, versa dedans l’eau du bénitier, y trempa le buis cloué sur la commode et, s’agenouillant, se mit à réciter avec ferveur les prières des trépassés qu’elle savait par cœur, par métier.