Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nerfs vibrants, mais sans aucun symptôme alarmant. Je dois me soumettre aux douches et boire du bromure de potassium.

25 mai. — Aucun changement ! mon état, vraiment, est bizarre. À mesure qu’approche le soir, une inquiétude incompréhensible m’envahit, comme si la nuit cachait pour moi une menace terrible. Je dîne vite, puis j’essaye de lire ; mais je ne comprends pas les mots ; je distingue à peine les lettres. Je marche alors dans mon salon de long en large, sous l’oppression d’une crainte confuse et irrésistible, la crainte du sommeil et la crainte du lit.

Vers dix heures, je monte dans ma chambre. A peine entré, je donne deux tours de clef, et je pousse les verrous ; j’ai peur… de quoi ?… Je ne redoutais rien jusqu’ici… j’ouvre mes armoires, je regarde sous mon lit ; j’écoute… j’écoute… quoi ?… Est-ce étrange qu’un simple malaise, un trouble de la circulation peut-être, l’irritation d’un filet nerveux, un peu de congestion, une toute petite perturbation dans le fonctionnement si imparfait et si délicat de notre machine vivante, puisse faire un mélancolique du plus joyeux des hommes, et un poltron du plus brave ? Puis je me couche, et j’attends le sommeil comme on attendrait le bourreau. Je l’attends avec