Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/175

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gasin de mercerie ; moi j’étais demoiselle dans un magasin de confections. Je me rappelle de ça comme d’hier. Je venais passer les dimanches ici, de temps en temps, avec une amie, Rose Levêque, avec qui j’habitais rue Pigalle. Rose avait un bon ami, et moi pas. C’est lui qui nous conduisait ici. Un samedi, il m’annonça, en riant, qu’il amènerait un camarade le lendemain. Je compris bien ce qu’il voulait, mais je répondis que c’était inutile. J’étais sage, monsieur.

Le lendemain donc, nous avons trouvé au chemin de fer monsieur Beaurain. Il était bien de sa personne à cette époque-là. Mais j’étais décidée à ne pas céder, et je ne cédai pas non plus.

Nous voici donc arrivés à Bezons. Il faisait un temps superbe, de ces temps qui vous chatouillent le cœur. Moi, quand il fait beau, aussi bien maintenant qu’autrefois, je deviens bête à pleurer, et quand je suis à la campagne je perds la tête. La verdure, les oiseaux qui chantent, les blés qui remuent au vent, les hirondelles qui vont si vite, l’odeur de l’herbe, les coquelicots, les marguerites, tout ça me rend folle ! C’est comme le champagne quand on n’en a pas l’habitude !

Donc il faisait un temps superbe, et doux, et clair, qui vous entrait dans le corps par les