Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/179

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grand’chose ; mais en me regardant dans ma glace, je comprenais bien aussi que je ne disais plus rien à personne, moi !

Donc, je me décidai et je lui proposai une partie de campagne au pays où nous nous étions connus. Il accepta sans défiance et nous voici arrivés, ce matin, vers les neuf heures.

Moi je me sentis toute retournée quand je suis entrée dans les blés. Ça ne vieillit pas le cœur des femmes ! Et, vrai, je ne voyais plus mon mari tel qu’il est, mais bien tel qu’il était autrefois ! Ça, je vous le jure, monsieur. Vrai de vrai, j’étais grise. Je me mis à l’embrasser ; il en fut plus étonné que si j’avais voulu l’assassiner. Il me répétait : « Mais tu es folle. Mais tu es folle, ce matin. Qu’est-ce qui te prend ?… » Je ne l’écoutais pas, moi, je n’écoutais que mon cœur. Et je le fis entrer dans le bois… Et voilà !… J’ai dit la vérité, monsieur le maire, toute la vérité. »

Le maire était un homme d’esprit. Il se leva, sourit, et dit : « Allez en paix, madame, et ne péchez plus… sous les feuilles. »

Au Bois a paru dans le Gil-Blas du mardi 22 juin 1886.