Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/265

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temps une feuille de papier à cigarettes. Si ce papier, qui demeure, en réalité, suspendu dans l’air, semble tomber comme une pierre, c’est que le ballon monte ; s’il semble au contraire s’envoler au ciel, c’est que le ballon descend.

Les deux baromètres indiquent cinq cents mètres environ, et nous regardons, avec une admiration enthousiaste, cette terre que nous quittons, à laquelle nous ne tenons plus par rien et qui a l’air d’une carte de géographie peinte, d’un plan démesuré de province. Toutes ses rumeurs cependant nous arrivent distinctes, étrangement reconnaissables. On entend surtout le bruit des roues sur les routes, le claquement des fouets, le « hue » des charretiers, le roulement et le sifflement des trains, et les rires des gamins qui courent et jouent sur les places. Chaque fois que nous passons sur un village, ce sont des clameurs enfantines qui dominent tout et montent dans le ciel avec le plus d’acuité.

Des hommes nous appellent ; des locomotives sifflent ; nous répondons avec la sirène qui pousse des gémissements plaintifs, affreux, maigres, vraie voix d’être fantastique errant autour du monde.

Des lumières s’allument de place en place,