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UN FOU ?

tement, tremblante, épuisée, et j’entendis de nouveau ses griffes frapper les marches.

Mais Jacques revint vers moi : « Ce n’est pas tout. Ce qui m’effraie le plus, c’est ceci, tiens. Les objets m’obéissent. »

Il y avait sur ma table une sorte de couteau poignard dont je me servais pour couper les feuillets des livres. Il allongea sa main vers lui. Elle semblait ramper, s’approchait lentement ; et tout d’un coup je vis, oui, je vis le couteau lui-même tressaillir, puis il remua, puis il glissa doucement, tout seul, sur le bois vers la main arrêtée qui l’attendait, et il vint se placer sous ses doigts.

Je me mis à crier de terreur. Je crus que je devenais fou moi-même, mais le son aigu de ma voix me calma soudain.

Jacques reprit :

— Tous les objets viennent ainsi vers moi. C’est pour cela que je cache mes mains. Qu’est cela ? Du magnétisme, de l’électricité, de l’aimant ? Je ne sais pas, mais c’est horrible.

Et comprends-tu pourquoi c’est horrible ? Quand je suis seul, aussitôt que je suis seul, je ne puis m’empêcher d’attirer tout ce qui m’entoure.

Et je passe des jours entiers à changer des choses de place, ne me lassant jamais d’es-