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LE MARQUIS DE FUMEROL

— Que venez-vous faire ici ?

L’abbé, accoutumé aux situations difficiles, avançait toujours, murmurant :

— Je viens au nom de votre sœur, monsieur le marquis ; c’est elle qui m’envoie… Elle serait si heureuse, monsieur le marquis…

Mais le marquis n’écoutait pas. Levant une main il indiquait la porte d’un geste tragique et superbe, et il disait exaspéré, haletant :

— Sortez d’ici…, sortez d’ici… voleurs d’âmes… Sortez d’ici, violeurs de consciences… Sortez d’ici, crocheteurs de portes des moribonds !

Et l’abbé reculait, et moi aussi, je reculais vers la porte, battant en retraite avec mon clergé ; et, vengées, les deux petites femmes s’étaient levées, laissant leur omelette à demi mangée, et elles s’étaient placées des deux côtés du fauteuil de mon oncle, posant leurs mains sur ses bras pour le calmer, pour le protéger contre les entreprises criminelles de la Famille et de la Religion.

L’abbé et moi nous rejoignîmes maman dans la cuisine. Et Mélanie de nouveau nous offrit des chaises.

— Je savais bien que ça n’irait pas tout seul, disait-elle. Il faut trouver autre chose, autrement il nous échappera.

Et on recommença à délibérer. Maman avait un avis ; l’abbé en soutenait un autre. J’en apportais un troisième.